Près de 140 millions de femmes dans le monde ont été excisées Entre 100 et 140 millions de filles et de femmes dans le monde ont été
victimes de mutilation sexuelle, dont plus de 6,5 millions vivent dans
les pays du Nord, et ceci sans qu'il y ait un lien avec la religion,
selon une étude de l'Ined rendue publique mardi.
Les mutilations sexuelles, aux graves conséquences pour la santé physique
et psychologique des femmes, sont pratiquées essentiellement en Afrique
sub-saharienne et dans quelques régions du Proche-orient et de l'Asie
du Sud-Est (Yémen, Indonésie et Malaisie). Plus de 6,5 millions de
filles et femmes excisées vivent dans les pays d'immigration (Europe
principalement). En Afrique, sur laquelle l'étude se penche plus
particulièrement, 28 pays pratiquent des mutilations, qui vont de
l'excision partielle du clitoris à l'infibulation (suture de l'orifice
vaginal). Mais le nombre de femmes excisées varient beaucoup selon les
pays, soulignent les chercheuses de l'Institut national des études
démographiques, Armelle Andro et Marie Lesclingand, de 1,4% au Cameroun
à 96% en Guinée.
Bien que souvent présentée comme "la conséquence d'injonctions religieuses, notamment de l'islam", cette pratique date de "bien avant l'arrivée en Afrique des religions monothéistes et aucun texte religieux ne permet de la justifier",
indiquent les auteurs. Il n'y a pas de relation entre la diffusion de
l'islam dans un pays et la proportion de femmes qui y sont excisées. En
Ethiopie, les trois quarts des femmes sont excisées alors qu'un tiers
de la population est musulmane, tandis qu'au Niger, 2% des femmes sont
excisées alors que le pays est presque entièrement musulman. En
revanche, le Mali, également musulman, compte plus de 90% de femmes
excisées. Le principal facteur de risque est l'appartenance ethnique et
non la religion, la pratique de l'excision s'inscrivant dans les rites
d'initiation et d'entrée dans l'âge adulte dans certains groupes
ethniques.
Au Sénégal, par exemple, l'excision est pratiquée
parmi les minorités ethniques (Peul, Toucouleurs, Soninkés, Malinkés)
et non chez les Wolofs majoritaires. La pratique recule dans la plupart
des pays depuis quelques années, mais lentement, et en fonction du
degré de mobilisation des Etats. Il a fallu attendre 2003 pour que les
pays membres de l'Union africaine signent un protocole interdisant les
mutilations sexuelles. Des lois existent dans la plupart des pays mais
sont encore rarement appliquées. En France, l'étude estime à quelque
50.000 le nombre de femmes adultes excisées en 2004 parmi la population
immigrée d'origine africaine, et ne se prononce pas sur les mineures,
aujourd'hui victime de cette mutilation dans le pays d'origine.
Premier pays européen à avoir intenté des procès, dès 1979, contre les
exciseuses et les parents, la France reste timide sur le sujet, selon
Armelle Andro. "L'excision est encore tabou", dit-elle, "aucune
formation n'est prévue auprès des médecins et sages-femmes, qui sont
démunies en terme de réponse de soins, de prise en charge
psychologique". La chirurgie réparatrice, pratiquée dans une dizaine
d'hôpitaux et de clinique, surtout en Ile-de-France, ouvre cependant la
voie à une réversibilité des lésions. Une enquête nationale "Excision
et handicap", finalisée à l'automne 2008, permettra de mieux connaître
les conséquences sanitaires, sociales et psychologiques des mutilations
et débouchera sur des propositions pour la prise en charge des femmes
mutilées vivant en France, précise l'étude. (belga)